photo récit

Publié le par etecelestealombez

 

Photo-récit

Par les rues de L

 

Quelle est pâle, la princesse. Elle sort en courant de la maison du chanoine.

La leçon est terminée.

Elle est rose, la princesse.

Fantomatique clocher. De partout on le voit. Ses 4 paires d’yeux sont figés. Les coins de ses lèvres se sont recourbés en une moue triste et sévère.

Mais est-ce bien de chez le chanoine qu’elle sort ?

N’est-ce pas plutôt de la Save, la tête couverte d’algues.

Sont-ce des algues ?

 

Ce sont cactus, cactées, plantes piquantes.

La fille du fakir prépare son numéro.

Dehors l’attend la Mustang du dompteur : ‘Allez, grouille, on nous attend !’

A la pince à épiler, elle ôte les épines de ses lombes de miel.

Puis saute sur la banquette de cuir. Il démarre en trombe, passe l’unique feu rouge.

 

Le poilu se tourne dans sa tombe, déjà effondré par les milliers de camions qui passent sur le boulevard dernier bastion du commerce local Poulets rôtis Foies gras Melon Toutes productions autochtones. Il est pas beau notre pays ? Attention Brassens revient. Mais aujourd’hui comme naguère chanter Brassens vous mène au poste. Rien n’est jamais acquis. Lutter toujours, bâtir contre l’inondation. Et pourtant Save et Savère y reviendront toujours, comme nous, vieilles familles, contre les murs aveugles.

 

On a bien tenté de colmater tout ça. 3 essais d’enduit de l’ocre clair à l’ocre moyen. On n’est pas allés au-delà des essais. Car déjà on avait tenté : la brique cuite, la brique crue, la terre de colombage, le ciment, le bois …et même le goudron de la ruelle. Alors on vivait là-dedans, rapetassant ce qui pouvait l’être. De toutes façons, on n’est jamais partis. Ailleurs ce serait pareil. On n’a pas pris le billet pour l’Amérique. On a tenté Paris, Auch, Toulouse. Et on y est revenus, sur ce sol ruiné, cette terre sans sens.

 

Où aller ? Où être ? au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, partout la même décrépitude. Et ici ‘interdiction de stationner’. Alors quoi, faudrait-il que je bouge sans cesse sur place, sautillant sur les braises attisées par le vent des haines de Lombez. Lombez, Lombez, si je ne t’avais pas, ma passion brûlerait-elle encore ? L’humidité peut monter de tes murs, ce sont eux qui attisent ma rage, c’est elle qui me chauffe les sangs. Lombez, ma lutte, mon combat. Je t’ai choisie, je suis revenu. Je serai dans ta cathédrale, englouti sûrement.

 

Aurai-je le choix entre la droite et la gauche, la laïque ou Fénelon, la Résistance ou la collaboration, le Centre ou la Ramondère, le passé ou l’avenir, les frères ou la sœur, ma mère ou ma fille, mes fantômes ou mon fils. Je ne voulais pas imposer un étranger à mes filles. Oh, comme ces trous m’appellent, oh, dormir, m’y plonger, mourir dans la meringue du clocher rose bonbon.

Publié dans TEXTES DE MARTINE R

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