MartineM - Une source disparaît

Publié le par etecelestealombez

 

Une source disparaît.

La forteresse démantelée impose un héritage grevé d’absence et de révolte.

J’écris des mots que je supprime et des sons qui disparaissent.

Nous partagerons nos fantômes.

 

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Une source disparaît. D’abord c’est juste la nuit qui souffre. Dans la clarté du jour l’herbe continue de verdir et les hommes hauts marchent encore dans l’assurance, et l’habitude de la dévotion ramène au long des ans les cortèges de politesse et de gloire, les fleurs, les ors, les soies, les longues robes et les surplis brodés, les carrosses, charrettes, calèches.

La forteresse démantelée impose un héritage grevé d’absence et de révolte. Le sang des martyrs fait aux survivants une ombre sans fraîcheur, on se réfugie dans l’anecdotique qu’une angoisse indéfinie désigne néanmoins. Ceux qui accompagnaient le Christ au tombeau se sont fondus dans les murs : ravalé, l’homme gisant nu ; dépossédé chacun de soi.

J’écris des mots que je supprime et dis des sons qui disparaissent. Majan Meilhan miséricorde , Prince Noir Bécanne ennemis , chanoine juge Gosserande , Jacques Lalanne Samathan. Entre le manque et la mémoire se tisse on ne sait quel désir, quelle aigreur, quelle nostalgie, quel agacement du corps et du cœur. Je pense à cette forme vive qui ne parvient pas à prendre visage.

Nous partagerons nos fantômes. La maison accueillant des hôtes égrène ses portraits comme des cailloux blancs. Restaurer ; plafonds hauts de chêne et de terre ; la force naît de ce travail. La tension douloureuse contre la médisance, l’orgueil que blesse le soupçon d’ingratitude, construisent une demeure humaine. Les mains ouvertes dégantées appellent, disent l’espérance.

 

Publié dans TEXTES DE MARTINE M

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